Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/228

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Éclate, et vient viser toute chose qui passe ;
La brise, étincelante et forte comme l’eau,
Jette l’odeur des fleurs sur le cœur des oiseaux,
Mêle les flots marins, dont la cime moelleuse
Fond dans une douceur murmurante, écumeuse…
Que mon front est joyeux, que mes pas sont dansants !
Je m’élance, je marche au bord des cieux glissants :
Dans mes songes, mes mains se sont habituées
À dénouer le voile odorant des nuées !
L’étendue argentée est un tapis mouvant
Où court la verte odeur des figuiers et du vent ;
Dans les jardins bombés, qu’habite un feu bleuâtre,
Les épais bananiers, au feuillage en haillons,
Élancent de leurs flancs, crépitants de rayons,
Le fougueux bataillon des fruits opiniâtres.
Je regarde fumer l’Etna rose et neigeux ;
Les enfants, sur les quais, ont commencé leurs jeux.
Chaque boutique, avec ses câpres, ses pastèques,
Baisse sa toile ; on voit briller l’enseigne grecque
Sur la porte, qu’un jet de tranchante clarté
Fait scintiller ainsi qu’un thon que le flot noie ;
Tout est délassement, espoir, activité ;
Mais quel désir d’amour et de fécondité,
Hélas ! s’éveille au fond de toute grande joie !

Et pour un nouveau joug, ô mortels ! Éros ploie
La branche fructueuse et forte de l’été…