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LA LANGUEUR DES VOYAGES


Le matinal plaisir du soleil dans l’herbage,
Dessinant des ruisseaux d’intangible cristal ;
Les cieux d’été, plus chauds qu’un sensuel visage
Opprimé de désir, altéré d’idéal ;
Le hameau romantique au creux d’un roc stérile ;
Des jardins de dattiers, épais ainsi qu’un toit ;
L’arrivée, au matin, dans d’étrangères villes,
Où, soudain, l’on se sent libéré comme une île
Que bat de tout côté un flot distrait et coi ;
Le bitumeux parfum d’une rade en Hollande,
Le bruit de forge en feu des vaisseaux roux et noirs
Que la noble denrée exotique achalande ;
Enfin, surtout, l’odeur et la couleur des soirs,
Ont, pour le voyageur que le désir oppresse
Et que guide un mystique et rêveur désespoir,
L’insistante langueur qui prélude aux caresses…