Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/286

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Quand ce sera le terme exact de toute chose,
Le mal sans guérison, la mort de ceux qu’on ose
À peine regarder, tant ils sont beaux et chers ;
Quand l’esprit ne pourra plus réjouir la chair ;
Quand on sera usé, délaissé, terne, comme
Un jardin d’hôpital où flânent de vieux hommes ;
Quand, ni les prés gonflés qui montent aux genoux,
Ni l’orgueil ni l’amour ne seront faits pour nous ;
Quand tout ce qui voyage, agit, hêle, circule,
S’éloignera de l’ombre où notre front recule,
Et qu’on sera déjà un cadavre vivant,
Dont le timide effort, derrière un contrevent,
Regarde encore un peu le soleil et l’orage
Verser aux cœurs humains les robustes courages
Et la témérité, par qui Dieu vient en aide ;
Quand le malheur sera formel, net, sans remède,
Et qu’on sera poussé, morne, les bras liés,
Contre le mur, où sont tombés les fusillés :
Quel baume, quel secours subit, quelle allégeance
Me mêlera, Nature, à votre calme essence ?