Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/307

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Vous embrassez le monde, il ne vous contient pas.
Sous les palmiers du Nil, sur l’or mouillé des sables,
Vos pas victorieux restaient insaisissables.
Dans les bleuâtres soirs du parc de Malmaison,
Votre ombre erre toujours par delà l’horizon.
Mais la mort déférente, assoupie et sans borne
Est assez vaste, enfin, pour votre face morne.
On contemple, effrayé : ce lit pourpre et puissant
Enferme ce qui fut votre âme et votre sang.
Et vous êtes là, vous à qui l’on ne peut croire
Tant vous êtes encore au-dessus de la gloire !
De quel esprit serein, de quel orgueil content,
Je songe qu’à jamais vous emplissez le temps,
Et que l’orgueil sacré peut laisser choir à terre,
Dans ce temple français de la Victoire Aptère,
Ces ailes que l’on vit sur toutes les cités,
Épandre leur tempête et leur témérité !

Je pense à votre grand retour de l’île d’Elbe ;
Les blancs oiseaux des mers, les alcyons, les grèbes,
Chauds de soleils, pareils à des aigles d’argent
Vous suivaient sur la mer où vous alliez, songeant.
Quand vous êtes venu, seul, et jetant vos armes,
Les faces des soldats se couvrirent de larmes.
Ainsi vit-on, un jour, jaillir et s’épancher
L’eau vive que Moïse arrachait du rocher !
Avançant lentement par Cannes, par Grenoble,