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le chant du printemps


Oui, je t’ai reconnu, ton souffle est devant toi
Comme un tiède horizon où flotteront les graines ;
Le silence attentif et fourmillant des bois
S’emplit furtivement de ta languide haleine.

Oui, je t’ai reconnu à ce trouble du cœur
Qui arrête ma vie et la rend palpitante,
Je suis la chasseresse ayant surpris l’odeur
De la jeune antilope étourdie et courante !

— Ah ! qui me tromperait, Printemps terrible et doux,
Sur ton subtil arome et sur ta ressemblance,
Je sais ton nom secret que les lis et les loups
Proclameront la nuit dans le puissant silence !

Je sais ton nom profond, chuchoté, recouvert,
Mystérieux, sournois, débordant, formidable,
Qui fait tressaillir l’eau, les écorces, les airs,
Et germer jusqu’aux cieux la cendre impérissable !

C’est toi l’Eros des Grecs, au rire frémissant,
Le jeune homme à qui Pan, sonore et frénétique,
Enseigne un chant par qui le flot phosphorescent
Répond au long appel des astres pathétiques !