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cantique

Que dans sa profondeur et sa nappe la mer
N’a de scintillements argentés et amers,
Je fermerai sur toi, créé à mon image,
Le cercle de mon rêve, où l’étoile des Mages
Vers quelque nouveau dieu me conduisait toujours.
J’étais comme un prophète éveillé sur les tours,
Et qui, s’émerveillant d’avoir compris les causes
Que l’obscur Univers à son esprit propose,
Appelle avec une ivre et sacrilège ardeur
Plus d’astres, de secrets, d’orage et de douleur !
— Mais ces ambitions d’une âme insatiable,
Sont un désert, gonflé de tempête et de sable.
Je préfère à ce faste, à ces âpres transports,
La douceur de ton âme alliée à ton corps,
Ces moments infinis, concentrés, chauds et tristes
Où mon cœur, par le tien, reconnaît qu’il existe,
Où, lorsque le désir avide et violent
Se dilue en un rêve harassé, grave et lent
Par qui l’âme est soudain comblée et raffermie,
Je sens, — ô mon ami ailé, suave, humain, —
Ton visage pensif enfoncer dans ma main
Son odeur de nuée et de rose endormie…