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LE LIVRE DE MA VIE

énigmatique dont la solennité m’avait parfois, la nuit, inquiétée, mais qui d’habitude ne m’intriguait pas plus qu’une pelouse indigo, fleurie de jasmins diamantés. Désormais, j’appartenais aussi à l’étendue, à l’éther, à l’illimité, dont on m’avait promis une portion infime, que l’on ne m’avait pas donnée. L’infini, que je méditai soudain anxieusement dans l’étroit appartement fumeux de la rue Caumartin, vint chercher la petite fille lésée, l’entraîna dans son domaine aérien, où l’esprit, orné d’ailes, gorgé de liberté, n’accorderait plus au séjour terrestre la valeur que les humains dupés lui confèrent, si l’amour et le malheur ne rendaient au limon primitif ses pouvoirs de plaisir créateur et de pensif déchirement.