Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/195

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— Si je comprends la valeur de ce spécifique, interrompis-je en frissonnant, il est bien à regretter pour moi que vous ne vous en soyez pas avisé plus tôt.

— C’est ce que nous verrons tout à l’heure, poursuivit le médecin du roi en jetant un regard oblique sur ses redoutables ferrements. Nous avons auparavant à nous entretenir d’autre chose, et au point où nous en sommes, vous et moi, nous pouvons nous parler tous deux sans mystère. Vous pénétrez d’un coup d’œil la cause de toutes les maladies, et vous savez leur approprier à l’instant le remède qui leur convient : c’est un point sur lequel nous sommes d’accord, et dont les observations que j’ai faites, il y a peu de temps, ne me permettent pas de douter ; ce que je ne saurois croire, c’est qu’il y eût une école de médecine, en Égypte ou ailleurs, qui enseignât cette science, et vous me permettrez d’imaginer que vous la devez plutôt au hasard qu’à l’étude.

Un sentiment involontaire de confusion ou de pudeur dut alors se manifester sur mon visage, et, dans mon émotion, je baissai les yeux sans répondre.

— J’ai fréquenté comme vous, continua-t-il, les cours des sages les plus renommés, et j’y ai appris que les médecins ne savoient que peu de chose ou ne savoient rien. Nous raisonnons sur les maladies par approximation ; nous leur appliquons, par habitude, les remèdes qui nous ont plus ou moins réussi dans des circonstances analogues, et nous les guérissons quelquefois par hasard. C’est à cela que se réduit notre savoir ; mais il nous suffit pour gagner la confiance de la multitude, et pour vivre dans l’aisance aux dépens des gens crédules. Si vous connoissez une autre médecine que celle-là, vous êtes encore plus savant que je ne l’avois pensé, mais j’ai quelque raison de croire que vous n’en avez pas acquis le secret sur les bancs du collège. Une confidence loyale et sans réserve pourroit faciliter entre nous un