Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/221

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tarifé la valeur individuelle du citoyen par sous et deniers, et qui feroit rougir de honte et d’indignation la plus vile des peuplades barbares ! — Je ne voulois faire aucune application de ces idées à la politique, mais je ne peux me soustraire tout à fait aux inductions qui en sortent malgré moi.

Comme il y a deux puissances dans l’homme, ou, si l’on peut s’exprimer ainsi, deux âmes qui régissent, comme l’homme, les peuples dont il est l’expression unitaire, et cela suivant l’état d’accroissement ou de décadence des facultés qui caractérisent l’individu ou l’espèce, il y a aussi deux sociétés, dont l’une appartient au principe imaginatif, et l’autre au principe matériel de la vie humaine. — La lutte de ces forces, presque égales à l’origine, mais qui se débordent tour à tour, est le secret éternel de toutes les révolutions, sous quelque aspect qu’elles se présentent.

L’alternative fréquente et convulsive de ces deux états est inévitable dans la vie des vieux peuples, et il faut la subir dans tous les sens quand le temps en est venu.

Les paysans de nos villages qui lisoient, il y a cent ans, la légende et les contes des fées, et qui y croyoient, lisent maintenant les gazettes et les proclamations, et ils y croient.

Ils étoient insensés, ils sont devenus sots : voilà le progrès.

Quel est le meilleur de ces deux états ? Le décidera qui pourra.

Si j’osois en dire mon avis, comme l’homme ne peut échapper par une tangente inconnue à l’obligation d’accepter et de remplir les conditions de sa double nature, ils sont tous les deux impossibles dans une application exclusive.

Le meilleur, c’est celui qui tiendroit de l’un et de l’autre, ainsi que l’homme, et tel à peu près que le chris-