Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LA COMBE DE L’HOMME MORT[1].



Il s’en falloit de beaucoup, en 1561, que la route de Bergerac à Périgueux fût aussi belle qu’aujourd’hui. La grande forêt de châtaigniers qui en occupe encore une partie étoit bien plus étendue et les chemins bien plus étroits ; et dans l’endroit où elle est comme suspendue sur une gorge profonde qu’on appeloit alors la Combe du reclus, la pente de la montagne qui aboutissoit à cette vallée étoit si âpre et si périlleuse que les plus hardis osoient à peine s’y hasarder en plein jour. Le 1er novembre de cette année-là, propre jour de la Toussaint, elle auroit pu passer, à huit heures du soir, pour tout à fait impraticable, tant la rigueur prématurée de la saison ajoutoit de dangers à ses difficultés naturelles. Le ciel, obscurci dès le matin par une bruine rude et sifflante, mêlée de neige et de grêlons, ne se distinguoit en rien, depuis le coucher du soleil, des horizons les plus sombres ; et comme il se confondoit par ses ténèbres avec les ténèbres de la terre, les bruits de la terre se

  1. Combe est un mot très-françois qui signifie une vallée étroite et courte, creusée entre deux montagnes, et où l’industrie des hommes est parvenue à introduire quelque culture. Il n’y a pas un village dans tout le royaume où cette expression ne soit parfaitement intelligible ; mais on l’a omise dans le Dictionnaire, parce qu’il n’y a point de combe aux Tuileries, aux Champs-Elysées et au Luxembourg.(Note de Nodier.)