Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/230

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chauffer, derrière le tombeau des trois rois, une couchette plus ardente que ne l’est l’âtre de dame Huberte. L’histoire en est assez bouffonne, et je la conterai volontiers, si cela duit à l’aimable et joyeuse compagnie.

— Et moi, dit le docteur à basse voix, si tu reviens sur ce propos, je te le ferai rentrer dans l’âme avec ma dague ! Il est surprenant, ajouta-t-il en grondant, qu’on reçoive de pareils garnements en si honnête maison !

— Je le prenois pour votre serviteur, repartit madame Huberte, et je ne le connois pas autrement.

— Ni moi, ni moi, dirent les jeunes filles en se pressant les unes contre les autres, ainsi que des petites fauvettes prises au nid.

— Moi non plus, dit Cyprienne en cachant sa tête entre les genoux de Maguelonne.

— Oh ! les mièvres d’enfants ! cria le voyageur à la calotte rouge, du coin du feu où il s’étoit accroupi pour retirer à belles griffes les châtaignes toutes brûlantes. Vous verrez qu’elles auront la malice de ne pas me reconnoître en habit de dimanche ? Regardez cependant s’il est changé, mère Huberte, le petit maquignon de céans, Colas Papelin, jadis clerc, aujourd’hui valet d’écurie pour vous servir. L’honnête maître Toussaint n’a pas posé un fer à une de nos cavales que je n’eusse auparavant lavée, frottée, étrillée, lissée, cirée, brunie, rendue plus polie qu’un miroir, et dont je n’aie à toute heure, au moins de nuit, peigné les crins de mes doigts. Voilà pourquoi je suis toujours bien reçu à la forge, car entre le palefrenier et le maréchal il n’y a, comme on dit, que la main.

En tenant ce discours, il écarta de droite et de gauche les boucles épaisses de ses cheveux flamboyants, pour mettre sa face à découvert, et il montra, en riant à ébranler les murs, une figure assez hideuse, blême et jaunie, comme la cire d’une vieille torche, sillonnée de