Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/231

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rides bizarres, et au front de laquelle brilloient deux petits yeux rouges, plus éclatants que des charbons sur lesquels joue incessamment le vent du soufflet. Tout le monde fit un mouvement de terreur.

Dame Huberte connut bien qu’elle ne l’avoit jamais vu ; mais un sentiment secret l’avertit qu’il n’étoit pas bon de le dire.

— Si j’ai jamais aperçu ce fantôme, grommela Pancrace, il faut que ce soit au grand diable d’enfer !

— Ce pourroit bien être là, reprit Colas Papelin en riant toujours, et j’aurais lieu de m’étonner comme vous du hasard qui nous fait trouver ici. Qui se seroit avisé de chercher maître Pancrace Chouquet à la combe du Reclus ?

— À la combe du Reclus ! dit Pancrace d’une voix tonnante… Ah ! ah ! reprit-il se mordant le poing.

— Ah ! ah ! répéta Colas Papelin du ton d’un ricanement infernal ; mais ne pensez-vous pas comme moi, docteur, qu’il serait assez curieux pour nous autres gens d’étude, chez qui l’amour de l’instruction s’unit à celui de l’or et du plaisir, de pénétrer pourquoi on appela ainsi cette misérable vallée ? L’histoire doit en être singulière, et il m’est avis que dame Huberte, qui sait toutes les belles histoires du monde, nous apprendra volontiers celle-ci entre deux brocs de vin doux.

— Je me soucie fort peu d’histoires, bonhomme, repartit Pancrace en faisant un mouvement pour se lever.

— Si ce n’est celle-là, ce sera la mienne, s’écria Colas Papelin en le retenant assis dans l’étreinte de son bras nerveux qui le serrait comme un étau. Oh ! que nous prendrons grand plaisir, dame Huberte, à vous ouïr conter cela !

— Je l’avois promis à mes filles, répondit la vieille, et le récit n’en est pas long : Il faut donc vous dire que ce pays était bien plus sauvage et plus triste que vous ne le voyez, quand un saint homme vint, il y a plus de cent