Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/237

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ou voilà le branle des matines. Maître, entendez-vous ?…

— L’assassin ne fut d’ailleurs jamais reconnu, acheva Huberte, quoiqu’il eût laissé pour signalement dans la main du bienheureux une épaisse poignée de cheveux chargés d’une peau sanglante, qui n’ont pas dû repousser.

— Respect à saint Odilon ! dit Colas Papelin en se levant et en faisant voler d’un revers de son bras le chapeau empanaché du docteur.

Maître Pancrace Chouquet avoit un des côtés de la tête chauve et lisse comme si le feu y avoit passé.

Il mesura Colas d’un air menaçant, ramassa son chapeau et gagna la porte en regardant derrière lui pour savoir si le valet d’écurie le suivoit ; mais le petit homme s’amusoit à frapper les landiers tout rouges avec un fourgon de fer, pour en tirer des étincelles qui jaillissoient jusqu’au comble obtus de la cheminée.

La porte se referma. Tout le groupe des femmes se tenoit silencieux et sans mouvement sous le poids d’une terreur inconnue, comme si elles avoient été pétrifiées. Colas Papelin s’en aperçut en éclatant de plus belle, et tira sa révérence en rebroussant ses cheveux confus avec la grâce coquette d’un homme du monde élevé dans les belles études et les manières élégantes.

— Adieu, respectable Huberte, et vous, bachelettes gentilles, dit-il en les quittant. Grâces vous soient rendues de l’hospitalité que nous avons reçue de vous ; mais elle impose encore d’autres devoirs : je vais suivre ce galant homme dans sa route, de crainte qu’il ne s’égare.

Un instant après, on entendit rouler les gonds, et les fortes fermetures retentirent sur l’huis.

— Le diable est-il aussi parti ? s’écria la blonde Julienne en élevant ses petits doigts palpitants vers le ciel.