Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/245

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ne progressent pas, qui n’ont pas progressé et qui ne progresseront probablement jamais, n’en méritent pas moins des égards.

Chacun est libre, d’ailleurs, d’occuper son imagination à sa manière, et « de s’approprier, comme le dit admirablement un philosophe, dans les mythes d’une intellectualité rationnelle, ce qui s’harmonie le plus identiquement avec les sympathies spontanées de son esthétisme individuel et intime. » Voilà qui est assez clair ! Avez-vous plus de foi, par hasard, au saint-simonisme qu’aux contes de fées ? Allez au père ! — Est-ce au néo-christianisme ? Allez au pontife, qui est ressuscité le troisième jour. — Au Phalanstère ? on va l’ouvrir. — À la loterie de M. Reinganum ? on va la fermer. — À l’Église française de M. Châtel ? on sonne la messe ; il y en a pour tous les goûts. À moi seulement, à moi, esprits indolents et crédules, mais tendres et gracieux, qui prendriez plus de plaisir à une fable intéressante qu’à toutes ces vaines théories de l’orgueil, quand même ces mensonges superbes seroient destinés à devenir, par malheur, des vérités et des lois. Permettez aux petits de venir, car il n’y a point de danger pour eux à écouter mes récits, et vous me connoissez assez pour me croire. Celui-ci sera revêtu d’ailleurs d’une autorité qui vaut mieux que la mienne. Il m’a été communiqué par un homme dont j’aurois peut-être essayé de décrire les rares et parfaites qualités, s’il ne m’avoit permis d’attacher son nom à ces pages fugitives. Maintenant qu’il est nommé, son éloge est fait.

Le 4 août 1834, M. le marquis de Louvois arrivoit en calèche dans les Pyrénées. Sur le siège de sa voiture étoit assis un jeune domestique dont l’histoire antérieure ne tiendra pas beaucoup de place. Paul est le fils d’un marchand de bestiaux très-peu favorisé par la fortune, et le frère de neuf autres enfants qui déciment, chacun pour leur part, les fruits chanceux du petit