Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/317

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des appartements et, aux myriades de petits volatiles qui dansent dans un rayon du midi. On ne les voit s’éloigner du trou qu’elles habitoient que lorsqu’elles y sont fatiguées par l’obsession de la chambrière dont le balai a brisé plus d’une fois leur tissu industrieux, et cette transmigration s’opère bientôt après, quand il leur reste encore le temps de suspendre ailleurs la trame où leur gibier vient se prendre. L’araignée que j’ai remarquée en entrant, et que vous trouveriez maintenant à la même place, car la lumière artificielle de l’homme fascine presque tous les animaux, appartient à cette habile tribu d’araignées stationnaires qui veillent patiemment au-dessus de leur piège, comme un bourgeois de campagne aux gluaux de sa pipée ou un braconnier à son affût ; et je n’ai pas été étonné, en y réfléchissant un peu, qu’elle courût contre son usage, à la manière des Bédouins, sur ces murailles où elle n’a rien à faire, notre installation dans votre chambre ayant dû être précédée de quelque mesure de propreté tardive et paresseuse, assez inaccoutumée dans ces taudis. Quand le soleil est couché, le vagabondage de cette voyageuse dépaysée n’a plus de signification naturelle. Ce n’est plus l’heure du travail ni celle du guet. Il indique alors quelque perturbation inconnue dans son étroit domicile. Vous ne coucheriez pas volontiers dans une vieille maison d’où les rats s’enfuient par légions, parce que vous savez que ce phénomène a toujours annoncé la chute prochaine du bâtiment. Je ne vous expliquerai point les circonstances toutes matérielles qui les en avertissent, et qui se présentent d’elles-mêmes à votre esprit. N’en est-il pas de même de l’araignée ?…

— De l’araignée, plus intelligente encore et plus irritable, dis-je en l’interrompant ; de l’araignée, si sensible aux moindres ébranlements qu’à la vibration d’un instrument ou d’une voix qui fait frémir sa toile, elle se précipite, ou plutôt se laisse tomber au centre où con-