Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

figurées qui lui sont familières, et qui presque toujours enveloppent un sens exquis. Quand sa chandelle ou sa lampe l’avertit d’une visite prochaine, elle lui fait sentir la nécessité de retrancher le superflu de la mèche, ce qui est à la fois un soin d’ordre et un soin de propreté. Si la visite n’arrive pas, le moucheur de chandelles en est quitte pour un office indispensable que la tradition lui a remis fort à propos en mémoire, et qui sauve peut-être à son toit le malheur d’un incendie. Supposez que cela ne soit arrivé qu’une seule fois depuis qu’on répète à la veillée les vieux enseignements de la sagesse populaire, et dites-moi si vous connoissez beaucoup de théories philosophiques qui aient rendu de pareils services au village. C’est une question que nous soumettrons, quand vous voudrez, à l’académie de Berlin. À présent, poursuivit-il en jetant sa serviette, je vous accompagnerai d’autant plus volontiers au salon que je suis depuis longtemps fatigué des hurlements d’un chien dont le râle funèbre semble menacer le quartier.

— Bon, bon, vous n’êtes pas homme à redouter cet augure, pour lequel la science au moins n’a point d’explication.

— La science en trouveroit dix, si elle cherchoit bien, dit La Mettrie. Vous me direz sans doute qu’il est tout naturel qu’un chien égaré vienne se lamenter à la porte du gîte hospitalier où il a plus d’une fois suivi son maître avant d’en être séparé par quelque fatal accident, et réclamer à sa manière quelque débris d’aliments, rebuts de la table d’hôte et de l’office. J’en conviens très-volontiers, pourvu que vous conveniez à votre tour qu’il en est autrement du chien errant, que son instinct originel appelle de loin sous les murs d’un hôpital, ou à la croisée d’un moribond. Pourquoi ne seroit-il pas pourvu de l’organe qui lui promet une proie, et qui étoit si bien assorti à sa destination, dans les combinaisons presque providentielles de la nature, que l’on voit partout impa-