Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/352

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de Frédéric ; et si tu n’étois pas malade, tu danserois, comme les demoiselles, dans les grandes salles du château. Pourquoi ne prends-tu pas courage ?

Elle n’entendoit plus, Suzanne, la pauvre Suzanne ! Elle nous dit qu’elle étoit mieux.

Nous nous approchâmes de la porte, sa mère et moi, pour voir passer les fiancés. La femme choisissoit, avec une attention craintive, l’endroit où elle devoit poser ses pieds, pour ne pas flétrir les broderies de sa chaussure. Tous ses mouvements étoient pénibles et apprêtés ; tous ses gestes superbes et dédaigneux. Dans ses pas, dans ses regards, dans l’arrangement de ses cheveux, dans les plis de ses vêtements, il n’y avoit que symétrie. Oh ! que les soins d’une fête simple et d’une cérémonie commune lui inspiroient de dégoût !

Frédéric venoit après. Ses grands sourcils étoient baissés, sa parure négligée, sa démarche lente et soucieuse.

En passant devant la maison, il y jeta les yeux d’un air sombre et mécontent ; il recula d’un demi-pas en se mordant les lèvres, effeuilla un bouquet qu’il tenoit dans ses mains, et puis reprit sa route, et l’église s’ouvrit.

J’étois demeuré seul, et je réfléchissois sur cela, quand j’entendis un long cri.

Je courus. La mère étoit à genoux. La fille étoit couchée.

— Êtes-vous sûre ?

— Regarde, me dit la mère…

Suzanne étoit morte, roide, sans couleur, déjà tout inanimée. Je la touchai, elle étoit froide. Je prêtai l’oreille encore pour m’assurer qu’elle ne respiroit plus.

Voilà ce que j’ai vu dans ce village aux environs de Loudun.