Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/87

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détourna sans efforts, car elles s’ouvrirent comme un voile. Le spectacle qui s’offrit en ce moment à leurs regards les frappa d’une telle admiration, qu’ils restèrent longtemps immobiles, tout pénétrés de reconnoissance et de joie. C’étoit une image de la sainte Vierge, taillée avec simplicité dans un bois grossier, animée des couleurs de la vie par un pinceau peu savant, et revêtue d’habits qui ne révéloient qu’un luxe naïf ; mais c’étoit d’elle qu’émanoit la splendeur miraculeuse dont ces lieux étoient éclairés. « Je vous salue, Marie, pleine de grâces, » dit enfin le chapelain prosterné ; et au murmure harmonieux qui s’éleva dans tous les bois, quand il eut prononcé ces paroles, on auroit pu croire qu’elles étoient répétées par le chœur des anges. Il récita ensuite, avec solennité, ces admirables litanies où la foi a parlé sans le savoir le langage de la poésie la plus élevée ; et, après de nouveaux actes d’adoration, il souleva la statue entre ses mains, afin de la transporter au château où elle devoit trouver un sanctuaire plus digne d’elle, pendant que la dame et le valet, les mains jointes et le front incliné, le suivoient lentement en s’unissant à ses prières.

Je n’ai pas besoin de dire que l’image merveilleuse fut placée dans une niche élégante, qu’elle fut entourée de flambeaux odorants, baignée de parfums, chargée d’une riche couronne, et saluée, jusqu’au milieu de la nuit, du cantique des fidèles. Cependant, le matin, on ne la retrouva plus, et l’alarme fut vive parmi tous ces chrétiens que sa conquête avoit comblés d’un bonheur si pur. Quel péché inconnu pouvoit avoir attiré cette disgrâce au manoir de La Sainte ? Pourquoi la Vierge céleste l’avoit-elle quitté ? Quel nouveau séjour avoit-elle choisi ? On le devine sans doute. La bienheureuse mère de Jésus avoit préféré l’ombre modeste de ses buissons favoris à l’éclat d’une demeure mondaine. Elle étoit retournée, au milieu de la fraîcheur des bois,