Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/97

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il, ma chère enfant, que vous n’ayez pas pensé à tirer la cloche ou à frapper du marteau ? Il n’y a point d’heure où vos sœurs en Jésus-Christ n’eussent été prêtes à vous recevoir. Bien, bien !… ne me répondez pas maintenant, pauvre brebis égarée ! Fortifiez-vous de ce bouillon que j’ai chauffé à la hâte, aussitôt que je vous ai aperçue ; goûtez ce vin généreux qui rendra la chaleur à votre estomac et la souplesse à vos membres endoloris. Faites-moi signe que vous êtes mieux. Buvez, buvez tout, et maintenant, avant de vous lever, si vous n’en avez pas encore la force, enveloppez-vous de cette mante que j’ai jetée sur vos épaules ; donnez-moi entre mes mains vos petites mains si froides, pour que j’y rappelle le sang et la vie. Sentez-vous déjà vos doigts se dégourdir sous mon haleine ? Oh ! vous serez bien tout à l’heure ! »

Béatrix, pénétrée d’attendrissement, se saisit des mains de la digne religieuse et les pressa à plusieurs reprises sur ses lèvres.

— Je suis bien déjà, lui dit-elle, et je me sens en état d’aller remercier Dieu de la grâce qu’il m’a faite en me dirigeant vers cette sainte maison. Seulement, pour que je puisse la comprendre dans mes prières, ayez la bonté de m’apprendre où je suis.

— Et où seriez-vous, répliqua la tourière, si ce n’est à Notre-Dame-des-Épines-Fleuries, puisqu’il n’y a point d’autre monastère dans ces solitudes à plus de cinq lieues à la ronde ?

— Notre-Dame-des-Épines-Fleuries ! s’écria Béatrix avec un cri de joie que suivirent aussitôt les marques de la plus profonde consternation ; Notre-Dame-des-Épines-Fleuries ! reprit-elle en laissant tomber sa tête sur son sein ; le Seigneur ait pitié de moi !

— Eh quoi ! ma fille, dit la charitable hospitalière, ne le saviez-vous pas ? Il est vrai que vous paraissez venir de bien loin, car je n’ai jamais vu d’habillements de femme qui ressemblassent aux vôtres. Mais Notre-Dame-