Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des-Épines-Fleuries ne borne pas sa protection aux habitants du pays. Vous n’ignorez pas, si vous en avez ouï parler, qu’elle est bonne pour tout le monde.

— Je la connois, et je l’ai servie, répondit Béatrix ; mais je viens de bien loin, comme vous dites, ma mère, et il n’est pas étonnant que mes yeux n’aient point reconnu d’abord ce séjour de paix et de bénédiction. Voilà cependant l’église, et le couvent, et les buissons d’épines où j’ai cueilli tant de fleurs. Hélas ! ils fleurissent toujours !… J’étois si jeune cependant quand je les ai quittés !… C’étoit du temps, continua-t-elle en relevant son front vers le ciel avec cette expression résolue que donne aux remords d’un chrétien l’abnégation de lui-même, c’étoit du temps où sœur Béatrix étoit custode de la sainte chapelle. Ma mère, vous en souvenez-vous ?

— Comment l’aurois-je oublié, mon enfant, puisque sœur Béatrix n’a jamais cessé d’être custode de la sainte chapelle ? — puisqu’elle est restée jusqu’aujourd’hui parmi nous, et qu’elle restera longtemps, j’espère, un sujet d’édification pour toute la communauté ; — puisque, après la protection de la sainte Vierge, nous ne connoissons point d’appui plus assuré devant le ciel ?

— Je ne parle point de celle-là, interrompit Béatrix en soupirant amèrement ; je parle d’une autre Béatrix qui a fini sa vie dans le péché, et qui occupoit la même place il y a seize ans.

— Le bon Dieu ne vous punira pas de ces paroles insensées, dit la tourière en la rapprochant de son sein. La détresse et la maladie qui altèrent vos esprits ont troublé votre mémoire de ces tristes visions. Il y a plus de seize ans que j’habite ce couvent, et je n’y ai jamais connu d’autre custode de la sainte chapelle que sœur Béatrix. Au reste, puisque vous êtes décidée à présenter à Notre-Dame un acte d’adoration, pendant que je vous préparerai un lit, allez, ma sœur, allez au pied du tabernacle ; vous y trouverez déjà Béatrix, et vous la recon-