Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tout connoître et pour tout décrire ; et si le hazard vouloit qu’elle laissât quelque chose encore à désirer sous le rapport du complet absolu, c’est que ce genre de perfection est peut-être impossible à atteindre dans la science des faits. Les tables sont nombreuses, instructives et bien disposées, les accessoires curieux et de bon goût. La nouvelle édition, infiniment améliorée d’ailleurs, et enrichie d’un excellent tableau des éditions juntines qui n’avoit été qu’ébauché dans la précédente, se présente sous un format plus compacte qui n’a toutefois rien d’insolite et d’embarrassant, et qui en facilite l’usage. Enfin, ce beau volume, tout-à-fait hors de ligne parmi les productions de l’imprimerie courante, est très convenablement exécuté avec des caractères neufs sur un papier ferme et durable.

On saura gré sans doute à M. Renouard d’offrir en même temps aux amis des presses aldines le recueil des Lettres inédites de Paul Manuce, nouvellement rassemblées par M. Tosi, savant libraire de Milan. Les affaires les plus privées, les pensées les plus intimes d’un tel homme ont leur importance et leur attrait pour ceux qui savent l’apprécier. Je le remercie plus particulièrement en mon nom d’avoir respecté religieusement l’orthographe incertaine et capricieuse de l’écrivain, parce que ces variantes singulières sont autant de monumens vivans des essais d’une langue qui se forme et parce qu’elles prouvent surtout que l’habile éditeur, si jaloux de fixer d’une manière invariable dans ses livres les véritables signes de la parole et de l’écriture, se livroit volontiers dans la familiarité d’une communication sans apparat aux agréables licences de la langue vulgaire. C’est à propos de ce doux abandon du commerce épistolaire qu’Urceus Codrus s’écrioit avec tant d’esprit et de jugement : O quam dulce est ad amicum scribere qui non quœrat nodum in scirpo, et apud quem possis interdùm solœcizare ! Dieu veuille nous faire ces loisirs de l’homme de lettres sans contrainte, qui se délasse de son métier !