Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/145

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Je me suis enfin occupé avec quelque étendue de la langue fourbesque ou argot, dialecte entièrement métaphorique dans lequel les mots vulgaires ont été soumis à des acceptions conventionnelles, ou remplacés tout au plus par des mots factices dont on pénètre sans difficulté le sens allusif, en remontant à leurs radicaux.

J’ai cherché à prouver que ces langues spéciales, si importantes pour l’éclaircissement de la science, mériteroient bien quelques bons traités particuliers, faits par des hommes capables de les explorer utilement ; mais il faudroit y joindre un certain nombre de langues également capricieuses, également arbitraires, qui se sont introduites successivement dans la langue vulgaire, au gré de la fantaisie et de l’imagination, et que le talent de quelque écrivain bizarrement ingénieux y a tour-à-tour naturalisées. Ce sont celles dont je me propose de parler aujourd’hui, sans m’étendre toutefois en développements fort explicites, car les recherches d’érudition sont très-longues et les feuilletons sont très-courts.

Au premier rang est chez nous le Burlesque, dont nos vieux poètes offrent déjà quelques exemples, mais qui fût plus accrédité que jamais au temps de Scarron, de Richer, de d’Assoucy, de Berthaud, de Saint-Amand, et qui a même tenté de plus fortes plumes, car il y en a des traces dans Voiture et dans Sarrazin. Son caractère est de ravaler l’idée par l’expression, et de faire passer le solennel au trivial par l’image. Tantôt c’est le quos ego de Virgile :

Que je… mais il n’acheva pas,
Car il avait l’âme trop bonne.


Tantôt c’est la descente d’Énée aux enfers, où il voit l’ombre d’un cocher

Qui frotte l’ombre d’un carrosse
Avecque l’ombre d’une brosse.