Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/171

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phes de vocabulaires ? Le mieux avisé a écrit mouyé, qui se rapproche au moins de la prononciation naturelle ; le son de notre prétendu y grec, comme on le lit dans moyen et dans moyeu, étant une véritable consonne douce dont le double ll mouillé figure l’articulation analogue, passée à la touche forte ; et remarquez bien que cette faute est précisément la même que celle de l’allemand méticuleux ou coquet qui dit gonzonne pour consonne ; mais c’est la moindre de toutes. Le second traduit moulié, qui est un barbarisme énorme ; et M. Gattet mouglié, qui en est un autre, quoiqu’il revienne à la valeur propre de l’articulation dans la bouche d’un Italien. Aussi me garderai-je bien de le désapprouver dans un Dictionnaire françois à l’usage exclusif des Italiens. Quant à M. Landais qui a prétendu trancher tous les nœuds gordiens de la langue, il se félicite d’avoir découvert que mouillé se prononce exactement mou-i-é, comme si la lettre double n’y étoit pas, et il annonce en grande pompe cette merveilleuse innovation dans un Dictionnaire imprimé avec beaucoup de luxe, mais qui prouve malheureusement que le dernier des dictionnaristes de la langue françoise, par ordre de date, n’en savoit pas tout l’alphabet. Il est inutile d’ajouter que ces quatre orthographes sont également fausses et absurdes, car il n’y a point de degrés dans l’absurde et dans le faux. Quand on est sorti du vrai, on en est aussi loin à une toise qu’à cent lieues. L’introduction même d’un alphabet phonographique n’auroit d’importance réelle pour l’intelligence de notre prononciation, qu’autant qu’elle seroit avouée et consentie par toute l’Europe, et c’est ce qui n’arrivera jamais d’un alphabet de convention. Si M. de Tercy, qui s’occupe depuis long-temps de résoudre cette grande question, a eu le bonheur d’y parvenir, c’est qu’il a ingénieusement suppléé à l’absence de la