Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/224

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gré la faveur marquée de plusieurs illustres Français du dix-septième siècle : Breitkopf est allé chercher les premiers tarots en Sibérie, où les paysans jouent le trappola avec des cartes semblables à celles dites de Charles VI. Ces dix-sept cartes que l’on conserve au Cabinet des Estampes de Paris, et qu’on attribue à l’imager du roi Gringonneur, faisaient partie d’un jeu qui était certainement une imitation de la célèbre danse macabre, cette allégorie si philosophique de la vie humaine, que le moyen-âge avait tant multipliée à l’aide de tous les arts. Ces cartes, peintes et dorées, représentent le pape, l’empereur, l’ermite, le fou, le pendu, l’écuyer, le triomphateur, les amoureux, la lune et les astrologues, le soleil et la Parque, la justice, la fortune, la tempérance, la force, puis la mort, puis le jugement des âmes, puis la maison de Dieu ! N’est-ce pas là cette danse des morts qui met en branle les vivans de toute condition, et qui dirige une ronde immense où sont emportés les grands et les petits, les heureux et les malheureux ? — Le nom de tarots dérive de la province lombarde, Taro, où ce jeu fut d’abord inventé ; à moins qu’on ne préfère le tirer d’une allusion à la tare que la Mort fait éprouver au monde (phthora, corruption), ou bien de la fabrication même de ces cartes, enluminées sur un fond d’or piqué à compartimens (téréin, trouer). — On a cru qu’il s’agissait de ce jeu de cartes dans un compte de Charles Poupart, argentier du roi pour l’année 1392 : « À Jacquemin Grin-