Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/240

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nous avons sous les yeux et que nous sommes d’ailleurs fort heureux d’étudier, laisse beaucoup à désirer sous le rapport du style. Cependant, afin de ne pas enlever au traducteur toutes les louanges que lui donne M. Champollion, je veux bien croire que les mots omis, les membres de phrases répétés, les noms propres ridiculement travestis au point qu’il n’en est pas un seul qui ne soit écrit de plusieurs manières, tout cela ne puisse être le fait d’un scribe postérieur, désireux de confectionner une belle copie, et non pas d’exécuter un manuscrit recommandable ; mais ce n’est pas le scribe qui aura confondu sans cesse toutes les règles de l’élocution française adoptées et suivies au 14e siècle. Comparez à la chronique des Normands le Trésor de Brunetto Latini, qui lui est antérieur de cinquante ans, ou bien nos histoires de Joinville et de Villehardoin, vous ne pourrez croire que ce soit la même langue. Pour moi, j’avoue que je ne connais aucun monument de l’ancien français dont la lecture soit hérissée d’autant de difficultés. Je sais que, dans le fond de l’Italie, les Français avaient pu d’un côté ne pas profiter des progrès de la langue maternelle, pendant deux cents ans, et de l’autre, admettre une foule de mauvaises locutions et d’italianismes, comme le dit fort bien M. Champollion ; mais ils n’avaient pas adopté des obscurités de constructions que n’éclairciraient pas l’étude de l’italien, du grec, du latin, de l’allemand et du français.

Ce n’est pas non plus la faute de la langue romane si le traducteur transforme le célèbre Dat, beau-frère de Mello, cruellement mis à mort par Pandulphe prince de Capoue, en une femme épouse de Melo, laquelle se clamoit Daita ; s’il ajoute que Pandulphe était beau-frère de Mello (page 21) ; s’il fait d’Exauguste, fils du Grec Bugien, un certain général revêtu de la dignité d’Exauguste, c’est-à-dire, suivant lui, vicaire de Auguste (page 50), et s’il prend la fameuse nation des Varegues, pour un homme appelé Guarain. Pour avoir