Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/241

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la triste conviction de son ignorance singulière, il suffit de comparer le texte latin de la lettre de Paul Diacre à la comtesse Adelperga, avec la traduction qu’il en a faite et que M. Champollion reproduit dans ses prolégomènes. Croira-t-on que de cette comtesse Adelperga il ait pu faire mi sire Adelpergo ? et qu’il ait traduit cette première phrase adressée à la comtesse : Cum ad incitationem excellentissimi comparis, qui nostrae ætatis solus principum sapientiae palmam tenet (c’est-à-dire, il me semble : « Comme à l’exemple de votre excellent époux, qui, presque seul entre les princes, tient la palme de la science. ») par celle-ci : Coment soit chose qui à la unité et à l’ornor del tres excellent compere Adelpergo, lequel estez en vostre aage tenut autresi comme palme de sapience. Certainement notre brave traducteur ne savait ici rien de ce qu’il disait. Je suis donc fâché que l’habile éditeur n’ait pas multiplié davantage et les notes et les parenthèses explicatives : je trouve son glossaire beaucoup trop court ; et il en résulte que l’Istoire des Normands ne pourra être bien lue, si l’on ne veut pas y consacrer un tems énorme. Toutefois, je m’empresse d’ajouter que M. Champollion, eût-il fait pour la traduction d’Amat un travail comparable à celui de Lotichius sur Pétrone ou de M. Éloi Johanneau sur Rabelais, cette traduction n’en serait pas moins un témoignage fort imparfait de l’état de la langue française en Italie, dans les premières années du 14e siècle. Il ne faut donc pas s’attendre à trouver dans cette vieille chronique une lecture facile et agréable : mais tous ceux qui voudront comparer entre eux les historiens du 11e siècle ; ou compléter les monumens renfermés dans les collections de Muratori, d’André Duchesne et des Bénédictins éditeurs des Historiens de France, feront un très-grand profit de la traduction d’Amat. L’obscurité de style et les contresens de traduction qui la déparent n’empêchent pas de conserver la trace des évè-