Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

du maçon ingénu, qui est allé chercher dans la loge de l’Égalité la simple jouissance des droits communs ? Savez-vous ce qu’elle deviendra, s’il est animé d’un certain esprit de progrès, et d’un penchant ambitieux pour les sottes distinctions du monde ? Je tremble de vous dire qu’il y auroit de quoi satisfaire à l’insatiable vanité d’Alexandre, et de quoi l’étonner peut-être. Il ne sera pas content d’être ni élu, ni parfait, car les élus et les parfaits ne sont que des prolétaires dans les constitutions de l’orgueil, qui s’éloigneront de plus en plus tous les jours des règles de la nature et du bon sens. Ici commencent des séries de jouissances imaginaires qui s’irritent, qui s’attisent de grade en grade jusqu’à la conquête de tous les honneurs, de tous les rangs, de toutes les souverainetés. Cet homme honorable et doux, si ponctuel dans ses devoirs, si accommodant en affaires, dont vous auriez fait avec plaisir votre ami, malgré quelque différence de condition, ne vous y trompez pas, il foule aux pieds le cordon bleu des rois ; il est las de ce cordon rouge des initiés qui étinceloit autrefois à l’Orient comme la reine des constellations ; il est las du Lion, de l’Aigle et du Pélican, las de n’être que sublime et sacré, las de n’arborer au-dessus de trente castes méprisées que les rayons de l’Étoile et les feux du Soleil. C’est en vain que l’Asie, le Tropique, et la Comète elle-même lui ont rendu hommage de foi et d’obéissance ; en vain qu’il s’est assis en empereur souverain sur la plus haute cime du Liban, s’il ne réunit à sa couronne d’autocrate la tiare du grand pontife. Laissez-le marcher un jour encore, et demain il sera dieu, si plus ne passe.

Voilà la société humaine comme on l’entend au nom de la liberté et de l’égalité, quand on la fait à sa mode et pour sa satisfaction particulière, dans un cercle d’honnêtes gens raisonnables et choisis.

Et ne vous effrayez pas trop, je le répète, de l’auréole de gloire qui enveloppe, qui dévore pendant trois heures par jour le respectable citoyen dont je vous parle. Quand il aura déposé ses rubans de toutes les couleurs, et ses