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LES PRÉRAPHAÉLITES

lui-même, et qui, également comme le poète, exprime à l’aide de ses moyens son contentement, sa joie, sa tristesse au sujet des différents chapitres de l’histoire. C’est là une idée purement délirante. Elle répond en art et en poésie à l’hallucination dans la folie. Elle est une forme du mysticisme que nous rencontrons chez tous les dégénérés.

De même que, chez Swinburne, l’eau du moulin pousse devant elle de « petites feuilles rouges » et même, ce qui est un peu plus rare, de « petits oiseaux blancs » quand tout va bien, et qu’elle est au contraire fouettée par la neige et la grêle et balance des barques brisées quand les choses prennent une mauvaise tournure : ainsi, dans L’Assommoir de Zola, s’écoule du ruisseau d’une teinturerie de l’eau rosée ou jaune d’or les jours de joie, et de l’eau noire ou grise quand les destins de Gervaise et de Lantier s’assombrissent tragiquement ; et, dans Les Revenants d’Ibsen, il pleut à torrents quand Mme Alving et son fils sont en proie à leur lourd chagrin, et le soleil apparaît radieux quand la catastrophe se produit. Ibsen va ainsi plus loin que les autres dans ce symbolisme hallucinatoire, car, chez lui, la nature actrice n’a pas seulement sa part d’intérêt, mais même de raillerie méchante ; elle n’accompagne pas seulement expressivement les événements, elle se moque même d’eux.

Beaucoup plus sain intellectuellement que Rosselti et Swinburne est William Morris, dont l’oscillation hors de l’équilibre ne se trahit pas par le mysticisme, mais par le manque d’originalité et l’instinct exagéré d’imitation. Son affectation consiste à jouer au moyen âge. Il se nomme