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PEINTRE D’ENSEIGNES

Monte-Carlo.



Court veston de velours râpé, mais bien tenu,
Tête fine, cheveux insouciants du peigne,
Un peintre italien, dessinant une enseigne,
Apparaît, grêle et noir, sur le grand mur tout nu.

C’est, à n’en pas douter, quelque artiste inconnu,
En qui l’amour du Beau de tout temps vibre et règne ;
Mais il faut que l’on vive, il faut que l’on s’astreigne
Aux rancœurs d’un travail obscur et continu.

Jadis, aux jours heureux d’espoir et de folie,
Enfant dégénéré des Maîtres d’Italie,
Il s’est rêvé vainqueur, créant un art nouveau ;

Aujourd’hui déjà vieux, touchant au crépuscule,
Il songe, en fignolant un bel A majuscule,
Au chef-d’œuvre mort-né qui pleure en son cerveau.