Page:Nouveau - Valentines et autres vers, 1921.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
VALENTINES

a vu de quelle façon joliment directe il s’était présenté à Rimbaud. Rien n’était plus facile, c’est vrai, celui-ci étant le moins étonné des hommes, et, si quelquefois taquin, lorsque familier, ne débutant jamais, en les pires circonstances, par de la mauvaise humeur. Avec n’importe quel peintre, sculpteur, poète, journaliste ou romancier — leurs caractères sont variés, peuvent être variables — notre provençal[1] réussissait de même. La défiance et la maussaderie tombaient devant cette aisance singulière, que personne, je crois, n’eut comme lui, cette bonhomie désinvolte alliée à une politesse aristocratique, cette faculté d’éviter sans effort jusqu’à l’ombre de l’indiscrétion, cette gaieté fine aux mots savoureusement imprévus, cette ivresse légère de l’esprit, cet enthousiasme, par moments, si chaud et si communicatif, cet air de gentille indépendance ayant l’évident parti pris de rester amicale, cette grâce du geste, cette adaptation merveilleuse du ton, cette vivacité jamais bruyante, cette facilité miraculeuse d’élocution, qui lui permettait d’être élégant sans afféterie, candide et raffiné, grammatical au point qu’il aurait pu passer pour l’inventeur de la langue, enfin qui en faisait un causeur étincelant mais sans venin, l’ironie, quand elle avait lieu, s’accompagnant d’un irrésistible besoin de bienveillance, qui, sans doute, venait d’un besoin de plaisir.

  1. Né à Pourrières (Var)