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FRAGMENTS

La fantaisie place le monde à venir dans le haut, dans le bas ou dans la métempsychose. Nous rêvons de voyages à travers l’univers ; l’univers n’est donc pas en nous ? Nous ne connaissons pas la profondeur de notre esprit. C’est vers l’intérieur que s’étend le chemin mystérieux. C’est en nous que se trouvent l’éternité avec ses mondes, le passé et l’avenir, ou bien ils ne sont nulle part. Le monde extérieur est le monde des ombres, il projette ses ombres dans le royaume de la lumière. Aujourd’hui tout nous paraît si obscur, si isolé, si informe ! Mais comme tout cela changera quand cet obscurcissement sera passé et que le corps d’ombre sera rejeté ! Nous jouirons plus que jamais, car notre esprit a subi de longues privations…

La vie est le commencement de la mort. La vie n’existe que pour la mort. La mort est à la fois dénouement et commencement, séparation et réunion à soi-même tout ensemble. Par la mort la réduction s’accomplit.

Dans la douleur la plus grande survient souvent une paralysie de la sensibilité. L’âme se décompose. De là le froid mortel, la libre force de pensée, l’écrasante et incessante lucidité de ce genre de désespoir. Il n’y a plus aucun désir ; l’homme demeure seul comme une force funeste.