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INTRODUCTION

Elle venait d’accomplir sa treizième année lorsqu’il la vit pour la première fois. Le printemps et l’été de l’an 1795 furent la fleur de sa vie ; toutes les heures qu’il pouvait dérober à ses occupations, il les passait à Grüningue ; et à la fin de cette même année, il obtint des parents de Sophie le consentement désiré. »

Il est probable que le vieux poète n’a vu la petite fiancée qu’à travers l’extase de son ami. Au reste, il importe assez peu en quel vase l’homme verse les illusions de l’amour, et je crois que Tieck s’exagère l’influence que cette rencontre eut sur la vie et la pensée de Novalis. En de tels hommes, la pensée est une plante somptueuse et centrale, qui s’élève à l’abri de toutes les circonstances. Et puis, en général, l’âme suit son chemin, comme un aveugle qui ne se laisse pas distraire par les fleurs de la route. Si elle remarque, en passant, une autre âme, c’est que cette âme marche déjà par les mêmes voies. Et notre être intérieur est presque inébranlable. Toute l’œuvre de Novalis, qui fut écrite avant la rencontre et après la perte de Sophie von Kühn, a l’élasticité heureuse des jours d’ivresse pure et d’amour doux et infini. C’est en lui que l’amour habitait, et son objet ne fut qu’une occasion. Au fond, on ne sait pas. De très grands événements partent bien souvent de la femme, et elle change fréquemment