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LES DISCIPLES À SAÏS

Il ne nous apprend pas ce qu’il lui advint depuis lors. Il nous dit que nous-mêmes, guidés par notre désir et par lui, nous découvrirons ce qui lui est arrivé. Plusieurs d’entre nous l’ont quitté. Ils retournèrent vers leurs parents et apprirent des métiers. Quelques-uns furent envoyés par lui au dehors ; mais nous ne savons où. Il les avait choisis. Parmi eux, les uns étaient là depuis peu de temps ; les autres avaient fait un plus long séjour. L’un d’eux était encore un enfant ; il était à peine arrivé que le Maître voulut lui livrer l’enseignement. Il avait de grands yeux sombres à fond d’azur ; sa peau brillait comme les lys, et ses cheveux comme de légers nuages lorsque descend le soir. Sa voix nous entrait dans le cœur. Volontiers nous lui eussions donné nos fleurs, nos pierres, nos plumes, et tout ce que nous possédions. Il souriait avec une gravité infinie, et nous étions étrangement heureux à ses côtés. Un jour, il reviendra, dit notre Maître, et demeurera parmi nous. Alors l’enseignement prendra fin. Il envoya avec lui un autre disciple, à cause de qui, souvent, nous fûmes affligés. Toujours, il semblait triste. Il fut ici durant bien des années ; rien ne lui réussissait. Il avait peine à trouver quelque chose, lorsque nous cherchions des cristaux ou des fleurs. Il avait peine aussi à voir au loin et ne parvenait pas à disposer avec art les lignes variées. Il brisait tout ce qu’il touchait. Et cependant nul n’avait une telle ardeur, une telle joie à voir et à entendre. Un jour, — c’était avant que l’enfant fût entré dans notre cercle — il devint tout à coup adroit et joyeux. Triste, il s’en