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LE DISCIPLE

était allé, il ne revenait pas ; et la nuit s’avançait. Nous étions fort inquiets. Soudain, au lever de l’aurore, nous entendîmes sa voix en un bosquet voisin. Il chantait un chant joyeux et sublime. Nous étions étonnés. Le Maître jeta du côté de l’aurore un regard comme je n’en verrai jamais plus. Le chanteur fut bientôt parmi nous, et, une béatitude indicible peinte sur le visage, nous apportait une humble petite pierre d’une forme singulière. Le Maître la prit dans sa main, embrassa longuement son disciple, puis il nous regarda, les yeux mouillés de larmes, et mit cette petite pierre à un endroit vacant parmi les autres pierres, là tout juste, où, comme des rayons, plusieurs lignes se rencontraient.

Je n’oublierai jamais ce moment. Il nous sembla que nous avions eu, en passant, dans nos âmes, un clair pressentiment de ce merveilleux Univers.

Moi aussi, je suis moins habile que les autres ; et l’on eût dit que les trésors de la nature ne se découvraient pas volontiers à mes yeux. Cependant, le Maître m’aime bien, et il me laisse à mes pensées, lorsque les autres sortent à la recherche. Je n’ai jamais éprouvé ce qu’éprouva le Maître. Tout me ramène en moi-même. J’ai compris ce qu’a dit un jour la seconde voix. Je suis heureux de contempler les choses et les figures merveilleuses des salles, mais il me semble qu’elles ne sont que des images, des voiles, des ornements rassemblés autour d’une image divine ; et celle-ci occupe sans cesse mes pensées. Je ne la cherche pas, mais je cherche souvent en elles. On dirait