Page:Novalis - Les Disciples à Saïs, 1914, trad. Maeterlinck.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
LA NATURE

vreuil se donnassent mille peines afin de le distraire et de le remettre sur le bon chemin. L’oie racontait des contes, le ruisseau faisait tinter une ballade ; une grosse pierre bondissait ridiculement, la rose se glissait amicalement derrière lui, et s’enlaçait à ses cheveux, et le lierre caressait son front soucieux. Mais le découragement et la tristesse étaient inébranlables. Ses parents étaient fort affligés ; ils ne savaient que faire. Il était bien portant, il mangeait, jamais ils ne l’avaient offensé. Il y avait quelques années à peine, il était plus joyeux et plus gai que nul autre. À tous les jeux, il était le premier ; et toutes les jeunes filles l’aimaient. Il était beau comme un dieu et dansait comme un être surnaturel. Parmi les vierges, il en était une qui était une enfant admirable et précieuse. Elle semblait de cire ; ses cheveux étaient de soie et d’or, ses lèvres rouges et ses yeux d’un noir intense. Qui l’avait vu croyait mourir, tant elle était belle. En ce temps-là, Rosenblütchen (elle s’appelait ainsi) aimait du fond du cœur le bel Hyacinthe (c’est ainsi qu’il se nommait) et lui l’aimait à en mourir. Les autres enfants n’en savaient rien. Une violette le leur avait dit d’abord ; et les petits chats de la maison l’avaient remarqué. Les demeures de leurs parents étaient voisines. Lorsque, durant la nuit, Hyacinthe se penchait à sa fenêtre, tandis que Rosenblütchen se penchait à la sienne, les petits chats qui allaient à la chasse aux souris les aperçurent en passant et se mirent à rire si haut qu’ils l’entendirent et se fâchèrent. La violette l’avait dit en confidence à la fraise,