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d’exercer et d’épanouir sa force et celle de son peuple. Il a constamment mis en pratique cette conception « agonale » de l’existence sans remords et sans scrupules, sans miséricorde pour les faibles et sans générosité pour les vaincus. » On comprend combien les idées darwiniennes devaient être sympathiques à un pareil esprit. Il y trouvait la justification complète de ses tendances, une sanction supérieure, s’il est possible de s’exprimer de la sorte. Aussi sa politique fut-elle basée sur le darwinisme, et il considéra toujours que la force prime le droit. Bismarck fit école, M. Chamberlain en Angleterre, les impérialistes, aux États-Unis et ailleurs, proclamèrent en toute circonstance, comme le terrible chancelier de fer, que la force seule était noble, belle et respectable. Le banditisme fut élevé sur un superbe piédestal par les souverains, les ministres et les hommes d’État aux instincts conquérants.

Au banditisme d’en haut répondit immédiatement le banditisme d’en bas. Karl Marx fut le complément de Bismarck. Il proclama que la lutte des classes était le fondement même de la vie sociale et que cet antagonisme invétéré et irréductible devait résoudre le problème de la misère. Au socialisme sentimental, Marx prétendit substituer le socialisme scientifique, et il s’appuya précisément sur le darwinisme pour démontrer que la lutte des classes était une loi de la nature. Il la présenta comme un cas particulier, comme la forme économique d’un phénomène universel. Marx eut autant de disciples que Bismarck. Tous ceux qui, de nos jours, prêchent les méthodes révolutionnaires violentes et attendent le « grand soir », comme les Juifs attendaient le Messie, tous ces individus sont imprégnés de darwinisme social.


Les événements de la seconde moitié du XIXe siècle contribuèrent également à augmenter la vogue du darwinisme. Sous ce rapport, la première place appartient à la guerre de 1870. Pour les Allemands, rien de plus explicable. Enivrés