Page:Novicow - La Critique du darwinisme social.pdf/219

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pouvaient devenir temporairement rares, par suite d’une sécheresse ou de tout autre cataclysme physique. Mais, comme je l’ai montré, les produits alimentaires ne pouvaient pas devenir insuffisants, d’une façon permanente, par suite de l’accroissement de la population. Pareil fait ne se voit pas de nos jours et ne s’est jamais vu dans le passé. Sans doute des populations, poussées par des famines, ont pu se livrer à des actes de pillage. Cela se fait maintenant, cela a dû arriver autrefois. Mais d’abord, ces pillards, par cela seul que pillards, n’étaient pas toujours victorieux. Au contraire, ils étaient souvent battus et massacrés. Le pillage n’a donc pas pu devenir pour eux l’unique source d’alimentation pendant une longue série d’années. En second lieu, par cela même que le pillage provenait de circonstances fortuites, il ne pouvait pas devenir l’institution permanente et officielle d’une collectivité humaine.

Le passage de Ratzenhofer, cité plus haut, appelle encore de nombreuses objections. Mais ce que j’en ai dit suffit à démontrer, il me semble, combien sa thèse est fausse et combien il est impossible de soutenir que la lutte pour l’existence entre les hommes soit née de ce que les denrées alimentaires étaient devenues insuffisantes par suite de l’accroissement de la population.


Après le roman alimentaire, le roman esclavagiste a eu un grand succès à notre époque. Il est exposé de la façon la plus nette par M. Lester Ward[1] dans une citation que j’ai donnée de lui au chapitre premier (voir p. 4) et dont je reproduis ici la fin. « Le premier pas dans l’ensemble des processus sociaux est la conquête d’une race par une autre… Le plus grand nombre des vaincus étaient réduits à l’esclavage… Les esclaves furent soumis au labeur forcé, et le travail, dans le sens économique de ce

  1. American Journal of Sociology (publié à Chicago), mars 1905, pp. 593 et 594.