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duré des siècles. Ces phases consécutives ont passé absolument inaperçues pour les hommes. Il n’y a jamais eu un moment où ils se sont dit : « Maintenant a commencé la période du travail industriel. Nous avons besoin d’esclaves. Partons en guerre contre le voisin ; allons prendre des prisonniers et remplissons nos ateliers. »

L’établissement de l’esclavage suppose un état social relativement avancé. Il suppose l’existence de l’État, c’est-à-dire d’un groupe sédentaire et organisé, où le lien qui unit les citoyens est territorial, où la division du travail est déjà poussée assez loin.

En effet, l’esclavage requiert une force publique puissante qui l’impose par la terreur, sans quoi les esclaves ne consentent pas à subir les souffrances de la servitude. L’esclave a toujours tendance à quitter son maître et à s’enfuir. Pour l’empêcher de le faire, il faut une surveillance plus ou moins organisée. Mais cette surveillance suppose nécessairement des limites territoriales nettement marquées, car elle ne peut pas s’étendre jusqu’aux confins de la terre.

Or, l’organisation des états territoriaux est un fait très récent dans le monde. Tandis que notre espèce existe peut-être depuis cinq cent mille ans, le plus ancien État organisé remonte à dix mille ans tout au plus. Et encore, à cette époque, il y avait peut-être deux ou trois états sur le globe entier. L’humanité a donc vécu sans esclavage probablement les 49 cinquantièmes de son existence. Comment peut-on affirmer alors que l’esclavage est une institution primitive, sans laquelle la civilisation eut été impossible ?

Il est aussi facile de démontrer que la division du travail, et même le travail industriel ont précédé l’esclavage mais ne l’ont pas suivi.

Justement, l’homme a fait des esclaves à partir du moment où il y a trouvé son intérêt. Les singes anthropomorphes qui vivent en troupeaux n’ont pas d’esclaves.