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gence supérieure qu’a pu se produire la guerre latente perpétuelle (car la paix armée n’est pas autre chose) entre individus de même espèce.

L’homme étant l’ennemi le plus redoutable de l’homme, grâce à l’égalité des facultés mentales, la lutte entre les hommes est infiniment plus dangereuse et plus sanglante que la lutte contre les animaux. Cette lutte entre les hommes a tellement accaparé l’attention que la lutte contre les animaux a passé au second plan et a été oubliée. L’homme, par son intelligence, se trouve dans une situation unique. Il dépasse de cent coudées tous ses concurrents des autres espèces. Par suite, la lutte entre les semblables a pris chez l’homme une si grande importance qu’elle a masqué complètement la lutte contre les autres espèces et contre le milieu physique. Lutte est devenu synonyme de combat entre les hommes, et seulement entre les hommes, si bien qu’on a contesté, comme je l’ai montré plus haut, l’application de ce mot à l’effort nécessaire pour adapter le milieu. Ce qui a encore contribué à renforcer cette erreur, c’est le phénomène de l’inconscience dont j’ai aussi parlé au chapitre précédent. La lutte contre les autres espèces et contre le milieu physique est pour nous de toutes les minutes et de toutes les secondes. Aussi nous la considérons comme un fait naturel, auquel nous ne pensons plus. Au contraire, les luttes entre les hommes, étant relativement rares, frappent vivement notre imagination[1]. Alors, d’une part, la grande somme de calamités causées par les exterminations entre les hommes, et, de l’autre, leur rareté relative, ont fait que ces exterminations ont toujours affecté la conscience et, par suite, ont seules été qualifiées de luttes.

Telles sont les circonstances qui ont fait tomber dans la contradiction signalée plus haut, à savoir qu’en zoologie

  1. Même les rixes individuelles, au sein des sociétés, sont dans un rapport infinitésimal relativement aux actions ayant pour but la production de la richesse ou l’adaptation du milieu.