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savoir que la force suit la ligne de la moindre résistance. Le lion est l’ennemi le plus terrible du lion, parce que les deux adversaires sont de force égale. S’il fallait se nourrir uniquement de la chair de concurrents de force égale, la possibilité d’obtenir de la nourriture serait la plus faible possible pour chaque carnivore. Aussi les animaux évitent-ils soigneusement une conduite contraire aux lois de la nature, et absurde, si on la considère au point de vue mental. Les carnivores se jettent toujours sur des proies plus faibles qu’eux-mêmes : les chats sur les souris, les tigres sur les moutons et les bœufs.

On peut très bien comprendre que, lorsqu’arrivent les grandes tourmentes de neige, les individus les plus capables de supporter le froid (c’est-à-dire ceux qui sont le mieux adaptés au milieu physique) survivent, que les moins capables de supporter le froid périssent, et qu’ainsi s’opère une sélection favorable à l’espèce. Mais, dans ce cas, le perfectionnement vient de la lutte entre le milieu physique et l’individu, et non de la lutte entre individus de même espèce. Les darwiniens se trompent donc complètement lorsqu’ils font jouer à la lutte entre individus de même espèce le rôle principal dans l’évolution. En réalité, ce rôle est nul dans un grand nombre de cas (entre les herbivores et les fructivores, par exemple) et fort subordonné dans presque tous.

Je puis retourner maintenant ma proposition et dire : ce qui est vrai des animaux l’est également de l’homme. « Dans certains villages du midi de la Russie, dit encore M. P. Kropotkine[1], les habitants jouissent d’une réelle abondance, mais n’ont aucune organisation sanitaire. Voyant que pendant les quatre-vingts dernières années, malgré un taux de naissances de 60 p. 1.000, la population est restée stationnaire, on pourrait conclure qu’il y a eu une terrible compétition pour la vie entre les habi-

  1. Op. cit., p. 73.