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CHAPITRE PREMIER
DÉFINITION DU DARWINISME SOCIAL


Le darwinisme social peut être défini : la doctrine qui considère l’homicide collectif comme la cause des progrès du genre humain. Cette définition semblera paradoxale. Je vais montrer tout à l’heure, par de nombreux exemples, qu’elle est parfaitement exacte.

Je commence par citer des gens du métier, des sociologues. « Nous devons reconnaître, dit Herbert Spencer[1], que la lutte pour l’existence entre les sociétés a été l’instrument de leur évolution. Ni la consolidation et la reconsolidation des petits groupes en un groupe plus grand, ni l’organisation des groupes composés et doublement composés, ni le développement concomitant des facteurs d’une existence plus large et plus élevée que produit la civilisation, n’auraient été possibles sans les guerres de tribu à tribu et plus tard de nation à nation. Ce qui est le point de départ de la coopération sociale, c’est l’action combinée pour l’attaque et la défense ; c’est de ce genre de coopération que tous les autres proviennent. Sans doute il est impossible de légitimer les horreurs causées par cet antagonisme universel qui, débutant par les guerres chroniques de petites troupes, il y a dix mille ans, a fini par les grandes batailles de grandes nations ; il faut reconnaître que, sans ces horreurs, le monde ne serait encore habité que par des hommes de type faible, cherchant un

  1. Principes de Sociologie, trad. E. Cazelles. Paris, F. Alcan, 1883, t. I, p. 327.