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II

Si les darwiniens voulaient faire des comparaisons justes entre les phénomènes biologiques et les phénomènes sociaux, ils ne devraient pas mettre en parallèle les luttes des collectivités humaines avec les luttes individuelles d’animaux d’espèces différentes ; ils devraient mettre en parallèle les luttes au sein des collectivités humaines avec les luttes des cellules au sein des organismes vivants. Dans ce cas les analogies seraient nombreuses et plus précises.

Les découvertes de la physiologie moderne, opérées en grande partie grâce au microscope perfectionné, ont montré que les cellules de nos corps se livrent des combats acharnés. Chaque tissu, chaque organe tâche d’accaparer la plus grande somme de substances alimentaires, quitte à en priver les autres tissus et les autres organes. Cependant, aucune cellule, en fait, ne se nourrit de la substance des cellules voisines (sauf une exception dont je vais parler tout à l’heure). Le combat entre cellules ne se fait donc pas par absorption, comme entre individus d’espèces différentes, mais par élimination. Cependant, le combat par élimination entre cellules du même organisme n’a pas pour résultante la mort totale, mais la mort partielle de la cellule vaincue, c’est-à-dire seulement un affaiblissement de vitalité. Les combats entre cellules ressemblent donc aux combats de deux citoyens au sein d’un état bien organisé, et non aux combats de deux plantes qui s’arrachent la lumière et les substances alimentaires du sol, ce qui se termine par la mort complète du vaincu.

La lutte des cellules, au sein de l’organisme, aboutit non à une destruction, mais à une subordination. L’organe ou le tissu vainqueur s’accroît, l’organe ou le tissu vaincu s’affaiblit. Chez un athlète, qui use constamment de ses bras, les biceps deviennent très volumineux. Chez