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PERSPECTIVES

homme. Ce qui fait qu’au Canada français, la littérature digne de ce nom ne peut être, en général, que le fruit du travail supplémentaire, d’autant plus méritoire qu’il n’est pas lucratif, de celui qui se sent la vocation d’écrivain et veut suivre cette vocation.

En résumé, cette autre culture qui nous frôle continuellement, à laquelle nous prenons part presque malgré nous et souvent sans nous en apercevoir, crée une ambiance qui n’est pas de nature à aider une production littéraire qui soit essentiellement française. La Belgique et la Suisse ont des problèmes analogues, mais non semblables ; ces deux pays vivent à côté de la France et il n’y a pas entre eux et le pays français de solution de continuité : à Bruxelles, à Genève, à Lausanne, Neuchâtel ou Fribourg, on baigne dans une atmosphère presque entièrement française. Ce n’est que par accident que l’on entend le flamand, l’italien ou l’allemand. Nous sommes par contre intégrés dans le grand tout américain anglo-saxon ; sa civilisation, ne fut-ce que par la radio et le cinéma, nous poursuit jusque dans les moindres recoins : Montréal, avec sa population aux trois quarts française, n’affiche pas son visage français. Alors que les Suisses et les Belges peuvent s’affirmer Suisses français ou Belges français, sans qu’on