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PERSPECTIVES

tante de ses lignes de force, en établir les normes, déterminer sa puissance de devenir et la mesure dans laquelle il peut travailler à l’enrichissement de notre culture et, par le fait même, au patrimoine commun de la grande famille spirituelle de l’humanité.

On sent déjà une anxiété de posséder un roman qui traduise les sentiments complexes de notre peuple, qui en soit une émanation fidèle, quelque chose comme l’aboutissement de ses forces vives, dont les racines plongent au plus profond de son âme. On semble avoir définitivement rejeté les formules mièvres, où l’artificiel éclate comme dans les décors de carton-pâte, enluminés d’or de pacotille. Il y a évidemment dans l’établissement de toute formule de roman une grande part d’impondérable, quelque chose qui échappe à la logique, quelque chose de purement psychique, parce que l’œuvre d’art provient encore plus de l’âme que de la raison ; sinon une épure ou un plan d’ingénieur pourrait prétendre à l’œuvre d’art. Qu’est-ce qui fait, en effet, la grandeur de « La Chartreuse de Parme », de « Madame Bovary » ou des romans si simples mais si pleins de Colette ? On ne peut pas plus fixer de limites étroites au roman qu’à la poésie : on travaille sur une matière qui échappe à la fixation, qui débor-