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ROMANS DE MŒURS ET ROMANS SOCIAUX

différente ; elle veut sortir de son milieu ; elle éprouve un désir ardent de liberté et déjà à l’école, elle accepte mal d’entrer dans le moule où veulent la couler les religieuses. Elle sent, plus qu’elle ne le comprend, que c’est par le travail qu’elle s’élèvera : elle se jette dans l’étude presque avec frénésie ; elle soigne son langage, elle s’affine et ne tarde pas à trancher sur les siens. Mais il lui faudra une première fois lâcher prise et entreprendre de gagner sa vie pour aider sa famille (elle sera la seule, pendant un certain temps, à soutenir la maison) ; mais son désir de travail est aussi une volonté de s’affirmer. Son père, sa mère, tous éprouvent, à un moment donné, l’impression confuse qu’elle leur est nettement supérieure ; mais personne ne soupçonne l’orage qui éclatera sans que rien n’ait pu le faire prévoir : c’est ici qu’entre en scène la bourgeoisie, celle que la Montagne, coupant la ville en deux, sépare du peuple.

Viau a-t-il voulu nous rendre ses bourgeois antipathiques ? Si oui, il a parfaitement réussi. Seul le père Sergent, légèrement cynique, fait exception. Gilbert, sa mère, sa mère surtout, sont criants d’égoïsme. Gilbert aime Jacqueline dont la personnalité l’a conquis ; il a découvert en elle un être en friche, mais d’une extrême richesse, qu’il s’applique à cultiver. Cependant, c’est un