Page:Observations sur Le festin de pierre.djvu/28

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venger la prophanation. Où en serions-nous, si Moliere vouloit faire des Versions de tous les mauvais livres italiens, et s’il introduisait dans Paris toutes les pernicieuses coustumes des Pays Estrangers : et de mesme qu’un homme qui se noye se prend à tout, il ne se soucie pas de mettre en compromis l’honneur de l’Eglise pour se sauver, et il semble à l’entendre parler qu’il ait un Bref particulier du Pape pour joüer des Pieces ridicules, et que Monsieur le Legat ne soit venu en France, que pour leur donner son approbation.

Je n’ay pu m’empescher de voir cette Piece aussi bien que les autres, et je m’y suis laissé entraisner par la foule, d’autant plus librement que Moliere se plaint qu’on le condamne sans le connoistre, et que l’on censure ses Pieces sans les avoir veuës ; mais je trouve que sa plainte est aussi injuste, que sa Comedie est pernicieuse ; que sa Farce, après l’avoir bien considérée, est vrayment diabolique, et vrayment diabolique est son cerveau[1], et que rien n’a jamais paru de plus impie, mesme dans le Paganisme. Auguste fit mourir un Bouffon qui avoit fait raillerie de Jupiter, et deffendit aux femmes d’assister à des Comedies plus modestes que celles de Moliere.

Theodose condamna aux bestes des Farceurs qui tournaient en derision nos Ceremonles ; et neantmoins cela n’approche point de l’emportement de Moliere, et il seroit dilficile d’ajouster quelque chose à tant de crimes dont sa Piece est remplie. C’est là que l’on peut dire que l’impiete et le libertinage se presentent à tous mo-

  1. L’édition originale porte en marge « Molière dans sa Requête ».