Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/109

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menait un épouvantable vacarme. Quelquefois de véritables batailles s’engageaient, à la suite desquelles il avait fallu achever les blessés.

Dans l’espoir qu’il en résulterait, peut-être, un malheur pour Dingo, l’obstiné Thuvin, qui suivait toujours son idée, lui avait ouvert la grille, et lui avait dit :

— Va jouer avec les Bas-Rouges.

Mais les Bas-Rouges et Dingo ne s’étaient pas reconnus pour des frères. Après s’être observés sans bienveillance, flairés sans joie, après de courts conciliabules qui n’avaient abouti à rien de précis, ils comprirent tout de suite qu’ils étaient différents, qu’ils n’auraient jamais rien à se dire. Dingo fut sincèrement déçu. Il avait été beaucoup frappé par la beauté musclée de ces colosses, et il eût été heureux de leur manifester sa sympathie. Il ne le put pas. De leur côté, les Bas-Rouges étaient visiblement intimidés, ou plu tôt choqués par l’exotisme de ce chien qui sentait un peu le loup :

— Méfions-nous… Il sent le loup !…

Tel avait été dès le premier contact le mot d’ordre, qui circulait de Bas-Rouge à Bas-Rouge et s’était vite transmis d’eux à tous les autres chiens.

Les Bas-Rouges étaient très graves, très disciplinés, un peu tristes, ennemis des vains amuse-