Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je me faufile à travers la foule, tenant Dingo de court, par sa laisse. Çà et là, des cris se font entendre :

— À mort ! À mort !

Les bouches sont veules, les cris sont mous, espacés, guère plus menaçants que les appels monotones de la marchande à l’éventaire qui là-bas ne cesse de chanter :

— Les belles gaufres ! Les belles gaufres !

On crie, parce que c’est l’usage de crier en ces occasions exceptionnelles et aussi parce que c’est la seule façon de s’amuser un peu. Mais je sens bien que le sentiment général est l’indifférence. En somme, il n’a rien volé, cet assassin, pas même une poule, pas même un lapin. Il ne s’est pas attaqué, comme tant d’autres, à la propriété… On crie, mais on ne lui en veut pas trop. Et puis, on est content qu’il fasse beau, qu’il y ait un crime de cette importance dramatique dans la ville. Ça distrait et ça fait marcher le commerce. Et demain, le nom de Montbiron s’étalera dans tous les journaux de Paris, sera glorieux. Dingo, lui aussi, semble s’amuser. Il est à l’aise dans cette foule. Avec une étonnante adresse, il circule, se glisse entre les jambes serrées, comme entre les touffes d’acacias et de myrtes de la brousse australienne.

Je reconnais des gens de Ponteilles : Tapotin