Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/143

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brusque mouvement d’épaules, d’une forte secousse de la tête, il se débarrasse de son collier et s’élance. En deux bonds, il est près de l’homme. Comme s’il comprenait ce qui se passe, ce qui se dit autour de nous, ce qui menace son ami, pris d’une grande pitié, il lui lèche ses mains enchaînées, lui caresse les jambes, se hausse jusqu’à son menton comme s’il voulait l’embrasser, lui donne enfin, de toutes les manières qu’il peut, un témoignage public de sa sympathie scandaleuse.

Un des gendarmes demande à l’assassin :

— C’est à vous, ce chien-là ?

Celui-ci regarde Dingo, ne le reconnaît pas pour son compagnon de la veille.

— Non… Mais non, s’excuse-t-il humblement…

— Alors, qu’est-ce que c’est que ce chien-là ?… insiste le gendarme.

Le petit vieux balbutie :

— Je ne sais pas, moi… Monsieur le gendarme.

Essayant vainement de se soustraire aux caresses de Dingo, il crie, il glapit :

— Mais va-t’en, va-t’en donc, vilaine bête… sale bête !

— Hum !… Hum ! ronchonne le gendarme, de plus en plus méfiant… Ça n’est pas clair…