Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/147

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par l’ampleur démesurée de ses joues, de ses seins, de ses hanches, de ses fesses, et très populaire. Veuve d’un laitier tuberculeux, qui fonda la fameuse laiterie dite « des Cultivateurs syndiqués », elle avait quitté le commerce à la mort de son mari et, depuis ce temps-là, vivait bourgeoisement, en dame, dans la plus belle maison de Ponteilles, d’une fortune âprement acquise, heureusement réalisée. Le faste de sa maison était proverbial. On admirait qu’elle y eût installé une baignoire pour elle toute seule. Elle ne s’y lavait pas d’ailleurs ; elle y lavait seulement son linge. Ménage, cuisine, lessive, raccommodages, elle faisait tout par elle-même, n’ayant jamais consenti à prendre de domestiques dans la crainte d’être volée par eux. Depuis trois mois, « par charité », disait-elle, elle avait recueilli une petite parente, orpheline et très pauvre. La vérité est que, « pour le vivre et pour le couvert », elle s’en servait comme d’une domestique et lui imposait les plus durs travaux.

— Qu’elle gagne seulement ce qu’elle me mange, expliquait l’ancienne laitière… Je ne lui en demande pas plus…

Et si la petite parente travaillait beaucoup, au delà de ses forces, il n’arrivait jamais qu’elle mangeât à son appétit.

Mais la véritable cause de la popularité de